Ce pari a pour le moment réussi, puisque le taux de distribution reste à des niveaux assez exceptionnels, à près de 6% en 2017 après 6,03% en 2016, et donc bien loin de la moyenne du marché des SCPI (4,44% en 2017, source IEIF).
Mais l’exercice peut s’avérer risqué sur la durée car le gérant n’a aucun répit pour investir la collecte. La capitalisation actuelle commence à dépasser certains seuils, correspondant à des cibles d’acquisitions d’une autre catégorie : jusqu’à fin 2016, avec une capitalisation d’Epargne Pierre de moins de 40 millions d’euros, les acquisitions réalisées étaient d’un montant unitaire moyen compris entre moins de 1 million et 4 millions d’euros, majoritairement en région. A la fin du 1er trimestre 2018, avec une capitalisation de la SCPI de 261 millions d’euros, les acquisitions commencent à être d’un montant unitaire beaucoup plus élevé, jusqu’à 8 millions d’euros. Dans cette catégorie, les acheteurs « institutionnels » comme les SCPI ou les OPCI sont beaucoup plus nombreux et la compétition pour les meilleurs actifs est plus forte.
L’équipe de gestion a bien conscience de ces contraintes, forte d’une expérience de plus de 25 ans dans l’immobilier tertiaire et la gestion de SCPI. L’accent a par exemple été progressivement mis sur une diversification géographique plus forte, avec la recherche de marchés immobiliers plus profonds et plus liquides : alors qu’à fin 2015, 100% du patrimoine de la SCPI Epargne Pierre était en régions, la part d’Ile-de-France est passée à 35% à la fin du 1er trimestre 2018 !
Mais une décision plus radicale s’imposait sans doute pour protéger la performance des associés existants face au risque de dilution de la performance : il s’agissait d’augmenter le fameux délai de jouissance, qui détermine pour les nouveaux associés la durée pendant laquelle ils ne perçoivent aucun revenu, contrairement à leurs alter ego associés historiques. Ce délai de jouissance a été porté à 5 mois sur Epargne Pierre à partir du 1er juillet 2018, contre 3 mois auparavant.
Cette rupture apparente de l’égalité entre porteurs de parts est en réalité une compensation juste de la perte de chance que constitue une collecte abondante pour les associés historiques. En effet, le gérant ayant du mal à investir la collecte tout en restant suffisamment sélectif en termes d’acquisitions, il arrive souvent que la trésorerie apportée par les nouveaux souscripteurs ne soit pas investie tout de suite, et ne génère donc aucun rendement pendant une certaine durée. Cela suffit à diminuer la rentabilité globale du véhicule lorsque la collecte est abondante. D’où ce délai de carence de revenus pour les nouveaux associés, qui instaure en quelque sorte un « fléchage » des loyers perçus par la SCPI en faveur des associés historiques pendant une période de transition de quelques mois.
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